Les États-Unis ont quitté l’Afghanistan où ils l’ont trouvé, sous le contrôle des talibans. Les images de l’aéroport de Kaboul après le retour au pouvoir des talibans ont massivement circulé dans les médias mondiaux, provoquant tristesse et indignation, et incitant la communauté internationale à défendre le peuple afghan. Les talibans sont une source de préoccupation, mais il y a d’autres groupes à surveiller dans le pays maintenant que les troupes américaines se sont retirées. Thomas Ruttig, co-fondateur et co-directeur de l’Afghanistan Analysts Network, nous parle du paysage des groupes armés en Afghanistan avec une analyse détaillée de leurs intérêts, de leurs objectifs politiques et de leurs rivaux. Cet entretien au format 3 questions couvre également les dynamiques régionales et l’avenir des Taliban.

Qui sont les groupes armés en Afghanistan ? Quels sont leurs principaux intérêts ?

Taliban

Les Talibans (qui se désignent eux-mêmes comme l’Émirat islamique d’Afghanistan) sont le plus grand groupe armé d’Afghanistan dans le but politique d’établir un « véritable ordre islamique ». Depuis la chute de Kaboul le 15 août 2021, ils ont pris le pouvoir en Afghanistan et contrôlent l’ensemble du territoire. Alors que beaucoup de leurs dirigeants avaient combattu l’occupation soviétique dans les années 1980 en tant que membres de diverses factions armées (collectivement appelées Moudjahidines), ils sont apparus comme un mouvement distinct après l’arrivée au pouvoir des factions Moudjahidines en 1992. Ils ont été incapables de s’unir et ont commencé à se battre pour le pouvoir et la domination à Kaboul. Après le 11 septembre, les Talibans ont d’abord offert une capitulation, qui n’a ensuite pas été acceptée par les États-Unis, et ont fait un retour en raison d’erreurs conceptuelles systématiques des puissances intervenantes. Au fil des ans, ils se sont cristallisés en une organisation efficace étendant leur contrôle territorial jusqu’à la chute de Kaboul.

Front national de résistance (NRF)

Un autre groupe est le Front national de résistance (NRF) dans la vallée du Panjshir et dans certaines régions voisines, récemment vaincu par les Talibans. Leurs racines remontent aux factions Panjshiri du parti Jamiat-e Islami, membres clés de l’ancienne  » Alliance du Nord  » anti-taliban (Front uni). Les forces de NFR sont constituées de milices locales de la vallée du Panjshir, de personnes nouvellement recrutées et de restes des anciennes forces de l’armée gouvernementale. En raison de certaines nuances ethniques « nordiques » et même des menaces de diviser le pays en tant que « dernière option » dans leurs déclarations publiques, leur appel revendiqué à l’échelle nationale a été remis en question. Les Talibans ont affirmé le contrôle total du Panjshir, tandis que la NRF prétend toujours tenir des positions dans la région et pourrait être en mesure de lancer une campagne de guérilla.

Branche afghane de l’EIIS

La province du Khorasan de l’État islamique, également connue sous les acronymes ISIS-K, IS-KP et ISK, est la filiale officielle de l’État islamique sectaire et anti-chiite (ISIS) opérant en Afghanistan. Il a vu le jour en 2015, mis en place par des groupes dissidents du mouvement taliban pakistanais, mais aussi des combattants talibans afghans. Ils ont mis en place des fronts dans 6 provinces d’Afghanistan, mais les talibans les ont rapidement réprimés. Seules les zones reculées de la province de Nangarhar, dans l’est de l’Afghanistan, sont restées comme base territoriale. Leur base sociale d’origine était constituée de sous-groupes tribaux mécontents et de communautés salafistes locales.

Ces communautés avaient initialement accueilli le PK-EI mais se sont rapidement aliénées par la brutalité de leur régime et ont créé des forces d’autodéfense anti-PK-EI. Ils ont fait appel au soutien des talibans et du gouvernement, conduisant à des offensives en 2019 et début 2020, coordonnées avec le gouvernement provincial et soutenues par des frappes aériennes américaines.Ces frappes ont éliminé les bases locales de l’EI-KP. Des rapports ont révélé que l’EI-KP dispose d’un réseau terroriste autonome opérant dans les villes afghanes, principalement Kaboul, et attaquant principalement des minorités religieuses telles que les chiites, les Sikhs et les Hindous. Ils sont toujours capables de mener des attaques terroristes de grande envergure, comme on l’a vu avec l’attentat suicide du 26 août 2021 à l’aéroport de Kaboul dont ils ont revendiqué la responsabilité. Cette attaque a tué plus de 180 personnes, dont 13 militaires américains.

Al-Qaïda

Enfin et surtout, Al-Qaïda. Al-Qaïda est un reste de combattants arabes qui avaient combattu l’occupation soviétique aux côtés des Moudjahidines et qui ont ensuite trouvé refuge en Afghanistan. Le groupe est séparé des talibans, mais les a soutenus dans leur lutte d’avant 2001 contre l' » Alliance du Nord « . Les Taliban ont continué à les accueillir, mais n’ont pas été impliqués dans les attaques terroristes du 11 septembre. Un certain nombre de rapports affirment qu’Al-Qaïda est toujours forte et influence les talibans, mais leur relation semble plutôt être celle d’un client faible (Al-Qaïda) avec un maître puissant (Taliban).

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